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Congrès des experts-comptables : « Notre profession ne subit pas le virage de la facturation électronique »

À l’occasion du 80e rassemblement annuel de la profession, le JSS s’est entretenu avec la rapporteure générale de l’événement, Murielle Adagbe Perrin. L’experte-comptable assure que les cabinets seront prêts pour la généralisation de la facturation électronique, prévue à partir de septembre 2026, et se montre confiante pour l’adoption de cette nouvelle pratique par les entreprises.


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Alexis Duvauchellejeudi 18 septembre6 min
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Journal spécial des sociétés : Le thème du congrès cette année est « adaptation durable et numérique ». Quel est le plus gros enjeu de la profession dans ce domaine ?

Murielle Adagbe Perrin : La data nous impacte de façon importante. Avec la généralisation de la facturation électronique, nous allons pouvoir accéder à un vivier de données fiables et structurées.

Nous pourrons en tirer profit, ce qui est une chance pour nous. La data nous permettra d’automatiser nos reportings financiers, de mettre en place des indicateurs de performance et de faire des analyses sectorielles quasiment en temps réel. Nous allons également pouvoir développer de nouvelles missions à destination de nos clients, par exemple les accompagnements stratégiques, la détection d’anomalies dans la comptabilité, mais aussi des prévisions de besoins en trésorerie ou même en financement pour nos clients.

Le fait de pouvoir en disposer nous permettra, en tant qu’experts-comptables, de renforcer notre rôle de tiers de confiance auprès de nos clients, car nous serons en mesure de certifier la qualité des informations et d’en faire un outil de décision pour les dirigeants. Le plus gros enjeu serait d’investir dans des solutions adaptées, mais surtout de former nos équipes afin qu’ils puissent lire et interpréter ces données avec discernement et apporter de la valeur ajoutée à nos clients.

JSS : Votre cabinet est-il prêt pour la généralisation de la facturation électronique, prévue à partir de septembre 2026 ?

M. A. P. : Oui. Aujourd’hui, 9 cabinets sur 10 sont prêts ou en route pour être prêts. Aujourd’hui, notre profession ne subit pas ce virage. Nous nous y préparons depuis que cette réforme a été annoncée, à travers des formations, des tests faits auprès de nos clients, mais également auprès de nos cabinets. Nous avons aussi commencé à mettre en place des accompagnements clients.

En complément, l’Ordre des experts-comptables travaille à une clarification de ces obligations, en s’assurant de la sécurisation des flux et surtout en définissant les meilleures pratiques à mettre en place au sein de nos cabinets. Aujourd’hui, nous possédons une certaine maturité sur les enjeux techniques qu’apporte le sujet de la facturation électronique. J’entends surtout qu’il y a des mesures de conseil et de paramétrage, mais nous devons aussi parler de pilotage vis-à-vis de nos clients. Pour nous, l’objectif est limpide : faire de la facturation électronique non une contrainte, mais plutôt un levier pour moderniser de façon efficace nos cabinets et apporter une valeur ajoutée accrue à nos clients.

« C’est notre rôle, en tant qu’expert-comptable, d’accompagner les TPE-PME pour anticiper le sujet, le vulgariser, et accompagner les petites structures à faire les bons choix de plateforme. »

Murielle Adagbe Perrin, rapporteure générale du 80e congrès des experts-comptables

JSS : Selon le baromètre Opinion Way publié la semaine dernière, si 78 % des entreprises affirment avoir connaissance de l’obligation de cette facturation électronique, seules 36 % jugent le processus clair. Cela vous inquiète-t-il ?

M. A. P. : Non, pas du tout. Aujourd’hui, la plupart des grandes entreprises sont généralement assez avancées sur le sujet, car elles ont des ressources pour tester les plateformes et pour commencer à intégrer les nouvelles obligations dans leur fonctionnement.

Pour les TPE-PME, elles découvrent pour la plupart encore le sujet, et certaines en perçoivent mal la portée. C’est notre rôle, en tant qu’experts-comptables, de les accompagner pour anticiper le sujet, le vulgariser, et accompagner les petites structures à faire les bons choix de plateforme. Nous sommes les mieux placés pour cela.

Dans ce cadre, le congrès des experts-comptables sera aussi là pour partager des retours d’expérience, des bonnes pratiques, mais également des guides pour aider les confrères dans les choix qu’ils pourront apporter aux clients demain, l’idée étant de faire monter tout le monde en compétence très rapidement.

JSS : Dans votre message publié sur le site du congrès, vous appelez à « un élan collectif vers des choix durables, éclairés et audacieux pour l’avenir de notre profession ». De quels types de choix pourrait-il s’agir ?

M. A. P. : C’est un sujet d’actualité important. Nous avons prévu au congrès un atelier qui porte sur le sujet et qui a pour objectif de vulgariser la thématique, et d’amener nos confrères à s’y intéresser de façon plus accrue, et surtout d’améliorer leur compréhension du sujet dans sa globalité. Car aujourd’hui, les clients vivent la durabilité plus comme une contrainte que comme une opportunité.

La montée en puissance du reporting extra-financier et des exigences ESG font que nos clients commencent à nous solliciter pour intégrer ces indicateurs dans leur gestion. C’est un sujet que nous prenons à bras-le-corps et qui restera très important pendant encore quelque temps.

JSS : L’instabilité politique pose-t-elle des problèmes dans votre activité ?

M. A. P. : Cela perturbe notre activité, car les prises de décision dans les entreprises de nos clients sont très complexes. Accompagner un chef d’entreprise qui n’a pas assez de visibilité pour prendre une décision, ce n’est pas simple. Cela nous empêche d’avancer sereinement et surtout ça empêche le client de se projeter pour l’avenir.

JSS : Le baromètre image PME pour le second trimestre 2025 donnait le chiffre de -1,2 % d’activité sur un an pour les TPE-PME. Comment l’analysez-vous ?

M. A. P. : Le marché est un peu tendu et pour les dirigeants, les prises de décision ne sont pas simples. Cela impacte forcément l’activité. On n’est pas sur une période très transparente, et le dernier changement de gouvernement ne va pas aider. Experts-comptables comme chefs d’entreprise apprécient la stabilité. En ce moment, il est difficile de construire et de projeter. Mais nous sommes de bons jongleurs, donc nous nous adaptons en permanence, même si tout n’est pas simple.

JSS : Que voyez-vous comme défi en termes d’intelligence artificielle pour la profession, et et comment y répondre ?

M. A. P. : L’intelligence artificielle s’est invitée dans notre quotidien. Elle nous pousse à réinventer notre façon de produire, mais également d’analyser et de conseiller nos clients. Beaucoup de cabinets l’utilisent quotidiennement. D’autres n’y vont pas pour des raisons d’inquiétude. Mais elle va s’imposer à nos métiers. Elle nous pousse à nous repositionner, à repenser notre positionnement, à repenser la valeur ajoutée qu’on peut apporter à nos clients et forcément, d’une certaine manière, notre identité professionnelle également.

Il est important aussi de souligner que le métier d’expert-comptable est un métier réglementé. Qui dit métier réglementé dit que nous devons respecter une certaine déontologie, ce qui implique que la qualité de l’ensemble des services que nous avons la capacité de fournir au client soit garantie.

L’accélération de l’intelligence artificielle nous pousse à questionner nos pratiques. Elle nous ouvre des perspectives impressionnantes dans notre manière d’analyser, ainsi que dans notre production. Nous allons nous en prévaloir en formant nos collaborateurs, ce qui va permettre justement de garantir la fiabilité des résultats qui en résultent, et également en mettant en place des outils pour éviter les cyberattaques.

Plus globalement, pour nos cabinets et nos clients, le sujet principal concerne la transformation des attentes de nos équipes, de nos jeunes talents. Aujourd’hui, on a des collaborateurs qui souhaitent plus de sens, plus de flexibilité et plus d’outils collaboratifs. Donc, c’est d’une certaine manière un signal fort pour faire évoluer le management dans nos cabinets. Tout cela confirme que notre métier est en pleine mutation, mais que nous restons toujours concentrés sur les mêmes objectifs : sécuriser, accompagner et créer de la valeur pour nos entreprises.

Propos recueillis par Alexis Duvauchelle

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